L’excellente série historique « John Adams » offre quelques jolis moments inspirés de la correspondance entre deux pères fondateurs, originaires l’un du Massachussetts et l’autre de la Virginie : Thomas Jefferson et John Adams. Ainsi assistons-nous à travers leurs yeux, au détour d’une pause narrative, à l’envol de Pilâtre du Rozier à bord de la première montgolfière.
Au-delà de la digression érudite voilà le moment touchant d’une amitié bientôt déchirée. La montgolfière est le symbole d’une innovation non plus technique mais politique, l’essor d’un peuple attaché à ses droits et à la « poursuite du bonheur ». Au scepticisme d’Adams répond l’enthousiasme francophile de Jefferson. Ces deux défenseurs zélés de l’idée de liberté ont une sensibilité, une approche de l’existence et une lecture de l’histoire irréconciliables.
John Adams reste un avocat, héritier des whigs libéraux anglais. Pour lui, la liberté ne peut pas plus s’affranchir des règles du droit que le ballon ne peut se passer des cordes qui le soutiennent. L’affirmation de la liberté individuelle doit se faire dans le cadre des lois et d’une autorité étatique capable de les imposer. Il ne peut accepter le lyrisme jeffersonien, cette confiance illimitée dans la capacité humaine à s’élever, hors de tout cadre normatif, hors de toute limitation imposée par le passé. L’idée de frontière,la marche vers l’Ouest initiée par Jefferson lui-même lors de ses deux mandats, avec le rachat de Louisiane et l’expédition de Lewis et Clark, et la conquête de l’espace telle que Kennedy la rêve, sont déjà présentes et flottent, légères, dans l’air versaillais.