« Zis iz ze bier we trink »

Pour Budweiser, le Superbowl est toujours un moment de communication à ne pas manquer. Destinées à la working class blanche américaine, les publicités pour cette marque intègrent souvent une forte composante technique : Budweiser se veut une « macro-bière » destinée au plus grand nombre, aussi américaine que General Motors, à l’opposé des produits de niche destinée aux snobs de la côte Ouest, industrielle dans sa fabrication et populaire dans sa clientèle. Une bière faite par des rednecks pour des rednecks.


Or, cette année, la marque a décidé, alors que les valeurs qu’elle porte, celle d’une Amérique profonde et volontiers xénophobe, semblent accéder au pouvoir avec le président Trump, d’offrir une image décalée. La publicité du Superbowl 2017 narre les tribulations du fondateur de la marque : l’odyssée d’un migrant, venu d’Allemagne aux Etats-Unis avec les plans d’une brasserie. En butte à l’hostilité des éléments, l’eau, le feu, les vents, à celle des hommes aussi puisqu’il est d’abord violemment rejeté, le « docteur Busch », savant, rêveur et pionnier, cherche une terre qui veuille accueillir sa vision d’ingénieur, toute entière enclose dans un petit carnet de moleskine noir. Nous ne sommes pas (encore) dans la puissance industrielle, mais dans la célébration émue des commencements, quand la technique permet, encore difficilement, de relier les continents, et les hommes. De ce rêve technique si fragile, l’hospitalité est la condition, l’entraide la nature, et la fraternité sans doute la finalité.

Que penser de cette publicité qui a déclenché des réactions violentes (on a accusé sur les réseaux sociaux Budweiser de se faire le propagandiste de l’immigration) ? On peut d’abord rappeler le cas Playboy analysé par Umberto Eco : Budweiser fait partie de ces acteurs « mainstream  » qui doivent paradoxalement, pour garder une image sulfureuse, agressive, se situer en léger décalage par rapport à la culture dominante. Depuis Trump, la marque ne peut se vivre seulement comme l’emblème de ploucs à la virilité agressive ; elle tomberait dans la fadeur. Ce retour aux origines permet à cette bière de garder… sa fraîcheur. Et c’est peut-être là la seconde leçon que nous pouvons tirer de cette publicité : l’idéal technique, comme toutes les utopies, est plus riche, plus subversif lorsqu’il n’est pas encore réalisé, mais encore à l’état de songe enfermé dans, disons, un petit carnet noir.

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